Voilà en théorie, si vous avez lu mon dernier billet, je pense avoir su vous donner l’envie de savoir ce que je pense du livre d’Éric Dupont-Moretti : Bête Noire, condamné à plaider.
Mon avis sur le livre
Aucun a priori sur l’avocat ni sur l’homme donc. Sur le livre en revanche, oui, un. Je viens d’entendre deux témoignages concordants sur la façon dont « Éric Dupont-Moretti balance (tout un symbole quand on parle de justice ;)) » qui m’ont interpellé. Et ça se lit vite. C’est décidé, je vais profiter d’être en vacances pour arrêter d’écrire et lire un peu. Enfin toujours prudent en matière de lecture, je me dis, je commence et on verra bien. J’ai tellement dévoré ce livre que je n’ai pas eu le temps de me dire bon et bien je continue. J’ai ressenti cette sensation – souvent évoquée par ceux qui parlent d’un livre qu’ils ont adoré – de hâte dévorante de la page suivante.
Et effectivement, ça balance.
Au fil de Bête noire, Éric Dupont-Moretti dénonce les agissements partisans et détestables de nombreux magistrats qui exercent leur métier sans aucun sens moral. Si certains d’entre vous pourraient se dire que tout de même chez des juges on ne trouve en principe que des personnes triées sur le volet et intègres, vous allez vite déchanter. Les anecdotes se multiplient et les présidents du tribunal et autres procureurs de la République en prennent pour leur grade. Bien évidemment, Éric Dupont-Moretti, comme il l’évoque dans un courrier repris à la fin de son livre, est convaincu que la majorité des magistrats aime son métier et l’exerce avec professionnalisme et déontologie mais que pour la minorité restante (ce qui représente tout de même du monde) le système actuel est truffé d’incohérences et de sinistres individus qui en profitent allègrement. Le récit de ses anecdotes, d’un genre qu’on ne peut inventer, même avec une farouche imagination, nous plonge dans un univers d’une rare violence, celui des assises et d’un box, celui de l’accusé, où la personne qui y siège perd à la fois sa dignité et sa présomption d’innocence au profit d’un statut d’animal de foire jeté en pâture à d’autres bêtes, mais en meute pour celles-ci, une meute assoiffée d’une vengeance aveugle, coûte que coûte, qui occulte complètement la globalité de l’accusé pour se focaliser sur l’acte commis (ou supposé commis) et rien que cela.
De nombreuses anecdotes inquiétantes
Parmi les aberrations évoquées, Outreau (procès avec 18 personnes accusées à tort de pédophilie sur de fausses accusations), bien sûr, exemple phare d’un des plus grands – si ce n’est le plus grand – fiasco judiciaire de notre pays.
D’autres injustices ou peines disproportionnées défilent et c’est déjà la fin de livre où la bête noire, notre auteur, baptisé ainsi car sous sa robe noire il est près à se battre comme un chien pour qu’un jugement (ou une peine) soit juste et ce ; disons-le car c’est tout à son honneur, quelque soit le client / la personne défendue, laisse davantage encore place à l’homme Éric Dupont-Moretti.
La découverte d’un homme aussi
S’il est condamné à plaider, notre avocat de renom est aussi un homme qui s’évertue à viser l’acquittement (ou la peine minimale), non pas pour ses statistiques, mais pour chaque affaire comme si c’était la première. C’est sans doute cette remise en question permanente qui fait de Maître Dupont-Moretti un redoutable avocat, capable de toucher son auditoire et les jurés par son implication, capable de rétablir un désordre établi qui n’a pas lieu d’être par son tempérament (ce qui lui vaut son statut de terroriste du barreau). À la fin de ce livre, la curiosité d’assister à une de ses plaidoiries est naissante et de ce que l’on perçoit de sa personnalité en filigrane et de ce qu’il nous en dit, d’aller boire un verre avec lui, pas dans un cocktail mais dans un troquet, qu’on soit chef d’entreprise ou simple ouvrier.